Les Arts Décoratifs consacrent à Sonia Rykiel sa première grande exposition à Paris dans le cadre du 40e anniversaire de la maison. « Sonia Rykiel, Exhibition » invite le visiteur à aller à la rencontre de la créatrice à travers un parcours thématique où 220 silhouettes, de 1968 à nos jours, se mêlent aux photographies de mode et aux vidéos de défilés qui ont façonné l’image de la créatrice, pionnière de la mode contemporaine
Dès 1962, Sonia Rykiel dessine et fait confectionner ses premières robes de future maman et ses tricots ajustés, montrant les courbes féminines, pour la boutique Laura et connait un rapide succès. Mais c’est en 1968 que l’histoire de la maison Sonia Rykiel commence avec l’ouverture de la première boutique à Saint-Germain des Prés à Paris.
Sonia Rykiel devient rapidement l’incontournable reine de la maille en créant des mini-pulls et en chamboulant leurs proportions. La maille devient alors sa matière de prédilection qu’elle va travailler avec obsession tout au long de sa carrière. En 1974, elle invente les premiers vêtements aux coutures à l’envers et instaure le non fini : les ourlets et les doublures sont gommés et abolis, anticipant d’une dizaine d’années les gestes et les attitudes qui définissent le passeport vers la modernité des créateurs expérimentaux et conceptuels.
Alors qu’à cette époque une silhouette en vogue devient le papier carbone de chaque décennie, démodant la précédente, l’allure Rykiel est le négatif stable de la modernité. Les créations de Sonia Rykiel laissent peu de possibilités aux historiens avides de dater à l’année près le travail d’un créateur. Sa mode, qui s’impose avec instantanéité et intemporalité, résiste bien au temps.
Sonia Rykiel est également pionnière lorsqu’elle utilise le noir qui gaine comme un gant des silhouettes à peine sorties des années pop. La créatrice embrasse le noir, couleur synonyme pour elle de séduction et de liberté, qui bouscule l’élégance bourgeoise des années 70, renverse les tabous et mène la vie dure aux opinions. Le noir, écrin sombre qui met en lumière les visages au teint pâle, qui dessine à l’encre l’architecture d’un vêtement, s’impose dans les années 80 et domine çà et là les modes à venir.
Des salons aux podiums, le noir entoure dès lors le mystère Rykiel et signe par là même la modernité de la maison, bien avant que les créateurs japonais, puis belges ne s’en emparent.
Femme de mode, Sonia Rykiel est également femme de lettre : elle parle comme elle écrit et écrit comme elle parle. Elle joue avec des mots qui deviennent des inscriptions sur les vêtements, des slogans poétiques ou bien des livres. Elle est une signature d’exception qui fascine créateurs de mode et d’images, artistes et cinéastes.
L’exposition plonge le visiteur dans l’univers mystérieux et envoûtant cher à Sonia Rykiel, les vêtements jouant à cache-cache avec les vidéos de défilés et avec de nombreuses photographies.
L’espace évoque un appartement haussmanien, que l’on découvre en passant d’une pièce à l’autre. Une rotonde, des portes, des boudoirs et des alcôves se succèdent dans une ambiance feutrée que souligne un voile de couleur chair révélant le côté glamour et sensuel que la couturière affectionne.
Dans un parcours thématique, l’exposition révèle chacun des thèmes forts propres à l’univers de Sonia Rykiel, significatifs d’un style dompté et parisien où la transmission générationnelle incarnée avec talent désormais par Nathalie Rykiel domine avec naturel. Une série de portraits rarement révélés de Sarah Moon sont présentés en ouverture, suivie d’une rétrospective de pulls inventés par la créatrice.
Le noir, l’envers, les rayures révolutionnaires mais aussi les matières comme l’éponge, dont Rykiel sait faire les joggings les plus élégants, les dentelles et les fourrures qui tatouent le corps avec de subtils accents, tout droit venus des années 30, constituent les thèmes montrés dans les salles du musée.
Les pantalons plus élégants que les longues jupes du soir, les frous-frous, les fleurs piquées en mousseline ou en relief évoquent le vocabulaire fixe et poétique de la créatrice.
La collaboration de Sonia Rykiel avec Dominique Issermann est également présentée avec l’ensemble du travail qui réunit la créatrice et la photographe, Sonia Rykiel étant la première à lui avoir confié ses campagnes publicitaires de 1979 à 1990. De tous les photographes qui ont mis en images l’univers de la créatrice, Dominique Issermann est celle qui a participé le plus à la création du mythe et de son intemporalité.
Certains chefs d’oeuvre, issus des collections de mode des Arts Décoratifs, viennent enfin ponctuer et mettre en miroir le travail novateur de la maison Rykiel, participant à révéler des histoires courtes de la maille au travers des siècles ou restituant la place de l’écriture sur le vêtement depuis le XVIII e siècle.
Le caractère charismatique et iconique de Sonia Rykiel est évoqué via des documents inédits, telle la longue interview, en 1981, de Sonia Rykiel réalisée par Andy Warhol lui-même pour son émission initiée « Warhol’s TV ».
« Sonia Rykiel, Exhibition » s’achève par un formidable hommage, inédit dans le domaine de la mode et de la création, qui sera dévoilé lors du défilé anniversaire de la maison, le 1er octobre 2008.
Le livre qui accompagne l’exposition est une véritable bible. Catalogue raisonné sur les 40 ans de création de Sonia Rykiel : saison après saison, collection après collection, chaque vêtement est présenté tel qu’il est apparu au cours des défilés, dans un très long travelling de 6500 photographies. Des études sur la figure de Sonia Rykiel et ses rapports avec les Etats-Unis et le Japon ou encore sur son utilisation fétiche du noir complètent ce livre de référence.